Michèle FREUD
Psychothérapeute, Praticienne en EMDR et en thérapies brèves

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LES PREMIERS LIENS


S’inspirant des travaux du biologiste Konrad Lorenz et de l’éthologue Harry F Harlow, sur les liens précoces existant chez les animaux et la mise en évidence du besoin de contact essentiel à leur développement, John Bowlby, psychiatre anglais développe, en 1960, sa théorie de l’attachement. Il émet l’hypothèse que toute privation d’environnement affectif interrompt le développement affectif de l’enfant.
À partir de ce concept, différents chercheurs orientent leurs études sur l’impact des carences maternelles dans le développement des enfants. Ils mettent en évidence le besoin d’attachement vital à l’épanouissement de chaque être.
Dès la petite enfance, l’enfant dégagerait un modèle d’attachement inhérent à l’attitude de sa mère à son égard. Ce lien d’attachement intériorisé servirait par la suite de modèle à toutes ses relations intimes et sociales futures.

Pour évaluer cette qualité d’attachement entre l’enfant et sa mère, Marie Ainsworth, collaboratrice de Bowlby, étudie les réactions de bébés âgés d’un an à dix huit mois soumis tour à tour au départ et au retour de leur mère et constate que toute menace d’éloignement de celle-ci ou toute présence d’un inconnu génère un haut niveau d’anxiété de nature à activer les comportements d'attachement, et à inhiber, de ce fait, les comportements d'exploration.

Selon les réponses des enfants, elle associe chaque type à la façon plus ou moins appropriée avec laquelle la figure maternelle répond aux signaux de détresse de son bébé. À partir de cette expérience, elle en dégagera trois modèles :

L’attachement sécurisant

Le modèle secure résulte d’une disponibilité de la figure maternelle et de sa sensibilité aux signaux de son enfant. Il se caractérise par un juste équilibre sur entre exploration et recherche de réconfort auprès de sa mère lorsque l'enfant se sent menacé ou en danger. Quand celle-ci s’absente, l’enfant sécurisé sait trouver un substitut rassurant, il est capable de créer un nouveau lien de confiance.
Ce comportement a été observé dans 65 % des cas.

L’attachement anxieux-évitant

L'enfant de type évitant n’exprime aucune préférence entre un inconnu et sa mère. Il démontre même un évitement physique et affectif de la figure d'attachement. Ce modèle serait repéré notamment chez des enfants victimes d’abus, de négligence ou de rejet. Il représente 20 % du profil des enfants observés.

L’attachement anxieux-ambivalent

L’enfant alterne tour à tour recherche de contact et résistance au contact. Il manifestenéanmoins une grande détresse au départ du parent, incapable d’interagir avec une figure étrangère. Ce lien ambivalent engendre des enfants peu explorateurs, difficiles à consoler, avec une immaturité affective intense, cherchant à garder la figure d’attachement disponible.

Ce modèle semble associé à une incohérence des réponses maternelles, celles-ci oscillant entre disponibilité et rejet. Ce profil se retrouve chez 15 % des enfants.

Par la suite Marie Main, psychologue américaine, faisant écho aux précédents travaux, est à l’initiative du AAI (Adult Attachement Interview), elle dégage un quatrième type d’attachement :

L'attachement désorganisé-désorienté

Exposé à la situation séparation-réunion, l’enfant désorganisé ne démontre aucune stratégie de quête affective ou de lutte contre l’angoisse. Il est confus, craintif à l’approche de la mère et se retrouve ainsi dans une situation paradoxale, puisque celle qui doit se montrer sécurisante génère plutôt de la crainte.
L'enfant se sent tour à tour réconforté et effrayé, ce qui conduit à la confusion. L’étrangeté qu’il communique désoriente à son tour l’adulte.
Les enfants victimes de négligence ou de sévices appartiendraient souvent à cette catégorie.
La plupart du temps, la mère a été elle-même victime de maltraitance dans son enfance.

Marianne est une mère angoissée, victime dans son enfance de violence et de carences affectives. De crainte de ne pouvoir fournir à son enfant sécurité et amour dont elle-même a manqué, elle répond systématiquement à tous ses pleurs par un don de nourriture excessive.

Il est possible de repérer les facteurs prédisposant aux comportements plutôt sécurisés ou anxieux. Le parent capable de percevoir et répondre de façon appropriée aux signaux et demandes implicites de l’enfant favoriserait l’attachement sécurisant.
À l’inverse, le parent, dans l’incapacité d’éprouver un contact chaleureux, ou répondant de manière déphasée, favoriserait l’attachement anxieux. Il semble en effet que les comportements défensifs repérés dans les réactions des enfants en situation de stress trouvent leur origine dans les stratégies défensives des parents.

Un enfant sécurisé se montrera sociable, et manifestera une bonne estime de soi. Un enfant à l’attachement anxieux réagira par un retrait social, des plaintes somatiques, des comportements d’opposition, d’agressivité ou d’hyperactivité.

L’apport des neuro-sciences

Certaines hypothèses neurophysiologiques actuelles semblent vouloir confirmer l’importance des soins maternels des premières années de vie sur le développement de l’enfant.

Des recherches effectuées à l’université du Minnesota démontrent qu’à la fin de leur premièreannée, les enfants secure, bénéficiant d’une présence chaleureuse et affectueuse produisent moins de cortisol, l’hormone de réponse au stress qui inhibe la croissance. Le Dr. Perry et ses collègues du Baylor College en Angleterre confirment, pour leur part, que les nourrissons et les jeunes enfants maltraités et négligés sont davantage susceptibles de produire une forte réaction au stress, même le plus minime. Ils précisent que lorsqu'un enfant est blessé par l'abandon, la maltraitance, la dépression de la mère (qui représente une vraie souffrance pour l'enfant), la maladie ou le deuil, il garde dans sa mémoire une trace organique, une atrophie rhinencéphalique ou des troubles de la sécrétion des neuro-hormones ou des hormones sexuelles. Selon une récente étude* publiée dans la revue américaine Rhumatology, les enfants ayant vécu des situations difficiles sont davantage susceptibles de souffrir de douleurs chroniques généralisées à l'âge adulte. Une perturbation dans l'interaction entre le système nerveux et les hormones expliquerait ce lien. Des recherches additionnelles sont en cours pour identifier les mécanismes précis en cause.

Ainsi nos premiers liens ont un impact important plus tard dans l'enfance et tout au cours de la vie adulte.

Toutefois, nos styles d'attachement manifestés à l'âge adulte peuvent se révéler différents de ceux développés dans l'enfance car heureusement influencés par la personnalité, le tempérament et par d’autres expériences, tout au long de la vie.

De nombreux auteurs ont insisté sur l’importance de la présence d’un tiers bienveillant dans l’établissement d’un lien susceptible de compenser la relation anxiogène de départ. Si les « tuteurs de développement » sont défaillants, d’autres adultes ou figures d’influence pourront permettre à l’enfant de reprendre son développement et assurer un lien sécurisant pour compenser la relation anxiogène.
Boris Cyrulnik** nous rappelle que l’enfant ayant vécu des privations sensorielles peut être rattrapé par des substituts de résilience, il peut réapprendre à vivre autrement. « Ils s’inventent souvent des histoires et survivent grâce à leur imaginaire, ils peuvent faire pénétrer une part de rêve dans le cauchemar de la réalité. Ils deviennent des gens de théâtre d’image, des thérapeutes, des soignants », sublimation ou combat souvent nécessaires pour s’en sortir et apprendre à revaloriser l’estime de soi.

Dans ce domaine, heureusement, rien n’est immuable, nous sommes en perpétuelle évolution. Il suffit d’ouvrir les yeux, d’être en éveil, de s’armer de patience et trouver la bonne voie et le bon moment pour ce virage à prendre. Il y a très souvent sur notre chemin des personnes qui deviennent nos étoiles et qui nous guident lorsque nous nous sentons désorientés. Ces rencontres peuvent être déterminantes pour étayer notre croissance affective.

 

par Michèle Freud


* Revue Rheumatology, 2010 par les Drs Dong Pang et Gary Macfarlane

** Les vilains petits canards, Ed. Odile Jacob


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